Assis sur mon caillou, au pied d’Altitona, je contemple la plaine dont je suis le fils. Au loin nage le saumon dans le fleuve qui m’a vu naître. Le soleil se couche doucement sur ce Pagus qui résonne si fort en moi. Je me sens comme un enfant dans le ventre de sa mère.
Je suis un enfant de l’Est, fils du Rhin. Frontière de la Gaule antique. Depuis toujours lieu d’échange, de passage.
A travers monts et vallées, je me fraie un chemin. J’avance dans les ténèbres les plus noires et dans la lumière la plus éclatante. La pluie, la sécheresse, la chaleur et le froid, le jour et la nuit, le feu et l’eau sont mon quotidien. Sur de vieilles racines je trébuche en regardant passer le corbeau. Le corbeau noir qui m’indique le chemin à suivre en volant au dessus de l’If millénaire.
Le serpent me dit de prendre garde aux aspérités de la terre et m’amène à faire des détours. Détours salutaires afin de me faire découvrir la sagesse de savoir se perdre. Se perdre et trouver myrtilles et champignons, Sources et pierres levées. Pierres toujours levées vers le ciel pour ne pas me faire oublier le corbeau, qui patiemment m’indique la direction, malgré mes errances multiples…
Ce chemin n’est jamais linéaire, bien tracé, plat et goudronné comme j’aimerais qu’il soit. Il est dur et parfois doux, tendre et parfois violent. Je me cogne souvent par manque d’humilité. Parfois aussi je glisse par manque de confiance en la terre qui me porte.
A certains détours, je rencontre de la fraternité, des amis, une famille, des inconnus aussi avec qui je discute sur un vieux tronc posé là. Certains acceptent même de faire un petit bout de chemin avec moi.
Ces rencontres et liens du coeur sont comme le corbeau qui vole au dessus de moi : ils m’aident à trouver la direction, et à mieux accepter les choix que je fais, qui sont autant de renoncements à d’autres possibles.
Mais toujours le serpent est là, à me rappeler la solitude de mon chemin, à me montrer grottes et terriers dans lequel je ne puis que rentrer seul.
Parfois l’envie me prend de trouver refuge dans un abris confortable, ne bougeant plus, j’espère que personne ne me verra et ne me forcera à de nouveau prendre la route. Mes pieds me font mal, mes jambes sont lourdes. Parfois en silence, dans le noir, immobile, je pleurs.
Au loin une musique qui se rapproche. Une musique qui me fait penser à une part de tarte au nuage dont la recette est jalousement gardée par des êtres légers et joyeux. La musique est accompagnée par un petit rayon de soleil, et lorsque je pointe le nez au dehors de mon abris de solitude, des papillons par milliers m’emportent dans leur danse, m’emportent dans leur ronde, et alors je ris, dans la lumière, en dansant, je ris. Et je reprend alors le chemin avec cette lumière dans le coeur que rien ni personne ne peut éteindre.
Je m’abreuve aux sources millénaires, je cueille des fleurs odorantes, je m’assied au pied d’un arbre pour écouter le vent souffler dans ses branches. Parfois je m’ endors emporté par le sentiment de sécurité qui m’envahit…
Et alors, je m’abandonne à cette danse, cette danse qui me fait tourner la tête, qui éveille en moi tous les sentiments possibles. Cette danse qui me donne l’impression de voler, d’entrer en harmonie avec ce qui m’entoure.
Danse de ténèbres et de lumière. A ne pas prendre trop au sérieux, car comme le dit la chanson…
Trois petits tours et puis s’ en vont…
Witto