Un voyage dans le monde des Oghams
Huath
Seul dans le noir de sa dernière nuit, il souffle sur les braises de sa vie d’avant, celle de la veille. Braises chaudes encore rouges… Et pourtant, dès les premières pointes du jours, le rouge va s’affadir, s’éclaircir, et commencer à ne plus exister. Un nouveau jour, une nouvelle vie, un saut dans l’inconnu. Comment savoir vers où cela va mener ? Comment savoir quelle danse il va falloir initier ? La peur de cet inconnu…
Seul dans le clair-obscur de sa dernière vie. Il tente d’allumer un feu, pour éclairer sa vie. Il fait froid, l’air est humide. Sans lumière, il ne sais pas ce qui l’attend dans la nuit, alors il se précipite sur tout ce qu’il trouve. Du bois, du petit, du moyen, et même du gros. Il cherche du sec, du doux, du rassurant, mais la seule chose qu’il trouve est cette moiteur tenace de l’atmosphère des entres mondes. Il ne sait pas faire de feu, il n’a jamais appris. Il est seul, nu, au milieu de ce monde inconnu. Des chants lugubres se font entendre. Des chants d’êtres qui ne sont pas présents lorsque le soleil règne. Bientôt l’empire de la nuit s’étendra sur le monde, et il est là, seul, à essayer de faire un feu…
Seul dans la nuit des ses habitudes, il n’ entend qu’un souffle, un murmure. Il aimerait vivre autre chose, changer, mais il est simplement terrifié… Qu’est ce qui l’attend au-delà de son quotidien ? Qu’est ce qui l’attend s’il décide de tout changer, de tout abandonner ? Il y a le confort de la routine, le confort de ce à quoi il s’est habitué parfois avec beaucoup de mal… Il voudrait autre chose, mais comme dit le dicton : « on sait ce que l’on perd, pas ce que l’on gagne »… Alors il ne bouge pas, recroquevillé au pied du buisson aux épines acérées. Il est là, une corneille l’observant, attentive à cet être qui ne bouge pas, qui ne change pas, qui ne vit pas. Sera t’il capable de mourir ? D’ abandonner sa peau ? Sera t’il capable de devenir quelqu’un de nouveau ?
Des films se fond et se dé-fond sur l’écran de nos paupières fermées, des rêves se forme, des envies d’un ailleurs, toujours… Et il est juste, souvent, de vouloir cet ailleurs. Mais quelque chose nous retiens, nous tenaille. Lorsque le changement brutal approche, c’est comme si des épines nous lacéreraient le coeur. Il est facile de vivre le changement lorsque l’on à l’impression de maîtriser, de tout contrôler. Au combien plus difficile lorsque l’on se laisse bercer par le vent de notre destinée.
Voyant le guerrier mourir debout, elle est là, l’ayant poussé jusqu’au bout. A chaque instant de sa vie, elle à été l’aiguillon qui lui à permis d’accomplir son destin, de vivre sa vie. Initiatrice difficile, elle attaque l’indolent, mord le somnolent, et harponne le paresseux. Il ne s’agit pas de nuire, mais de faire avancer. Alors quand le confort est en danger, on l’accuse de tout les mots, elle, la grande reine.
Elle regarde le guerrier accomplir son destin, dire son dernier souffle. Un souffle que l’on n’entend pas, qui ne fait pas dans le spectaculaire… il s’agit de ces souffles des entre deux, lorsque l’on prend le temps de respirer. Le souffle dans l’étreinte passionnée. Le souffle d’une légère brise d’été. Rien ne se dit, et pourtant, c’est ici que tout se vit.
Ce qui se cache derrière les apparences. Le H ne se prononce pas, ou du moins, pas franchement, et pourtant, il est bien là… H H H H H… En écrivant cela, je dis quelque chose, et pourtant aucun son ne pourrait être transmis. Quelque chose est dit, mais le message est de l’ordre du mystère. C’est comme l’âme du monde dont on soupçonne la présence, mais qui ne se dit jamais franchement en plein jour. Ce n’est pas au vent de se faire audible, mais à nous de le faire parler.
La peur, la terreur… Emotions fortes puissantes, qui surgissent lorsque l’on se sent seul, abandonné. Emotions de la nuit, de la solitude. Le jour, on peut raconter nos histoires, mettre autant de masques que nécessaire, on peut passer pour n’importe qui, n’importe quoi, avec un peu d’habileté. Mais ici, il n’y a personne à convaincre, personne à tromper… Il y a simplement la terrible réalité de ce que l’on est, seul, face à soi-même, sans distraction, sans comédie, et sans fard…
Huath n’est pas un ogham de l’extérieur, mais de l’intérieur. C’est un ogham que l’on vit dans ses tripes, seul face à soi-même…
Huath est liée à l’aubépine, arbuste majestueux, magnifique dans sa floraison. Délicat et épineux. Il protège les plus petits, et ne pardonne pas l’égarement des distraits. L’aubépine s’approche avec prudence. On ne l’aborde pas avec arrogance. Elle protège en détruisant l’ennemi. Elle n’est pas un cocon douillé, n’est pas enveloppante comme une mère tranquille et bienveillante. Il s’agit plutôt ici de la protection farouche d’une mère pour son petit, prête à lacérer l’ennemi supposé ou avérer. La rage aveugle qui détruit toute menace soupçonnée.
Non, elle n’est pas à prendre à la légère l’aubépine. Elle est la résidence des esprits. On ne la coupe pas impunément…
Nous ne naviguons pas dans les eaux tranquilles d’un monde connu. Nous sommes ici en présence d’une force inquiétante, puissance de changement également, mais de ces changements qui n’ont rien de rassurants. Il y a de la dureté dans Huath. C’est ici que réside la peur de la mort initiatique. La peur de la mort tout court. Réelle ou imaginée. A approcher avec prudence et sincérité…
Witto Laïloken